Je descends du véhicule et intercepte un autre taxi.
Rebelote...
Résigné, je décide de rentrer à pied sous une pluie battante. L'orage gronde et transforme les rues en torrents d'eau chaude.
Vers 15h, je retrouve Denis, un collègue, dans l’ancien bloc technique de l’aéroport. Un Gabonais en complet anthracite, va et vient dans la pièce en se donnant des airs de ministre. Sa voix de ténor est théâtrale. L’homme s’aperçoit alors de ma présence et se précipite vers moi en me tendant la main.
- Je ne vous connais pas ? Comment vous appelez vous ?
- Louis.
- Parfait !
- Et c’est quoi votre …
Je m’arrête et tente d’enchainer sur une conversation technique avec mon collègue. Lui aussi esquisse un sourire. Je suis proche du fou rire.
Je prends vite le rythme Gabonais. Lever à 6h00, nous nous retrouvons entre Français devant une petite échoppe pour prendre le café. Nous travaillons de 7h00 à 13h00 et de 17h00 à 20h30 l’après midi.
Eric, le chef de chantier me fait visiter l’aéroport. Grand blond aux yeux clairs, sympatique mais peu bavard, il me fait penser à Clint Eastwood. A bord de son pickup nous coupons à travers champs à plus de 60km/h. "Parfois c’est pire que le Paris-Dakar" me lance t’il, "nous on roule sans assistance". Il fait partie de ces rares dont les gens rêvent en film sans savoir s’ils existent.
4x4 du chef de chantier
L’hôtel est situé dans la zone développée de Libreville où se regroupent tous les européens. Comme par hasard, il donne sur la "montée Saint-Louis". Entre la prépa au lycée Saint-Louis et mon ancien appartement dans le quartier Saint-Louis de Versailles, je commence à maudire ce satané Saint-Louis qui me devance partout.
Les Gabonais sont des gens charmants, certains très nonchalant (le matin, j’ai du mal à me convaincre que la gardienne de l’hôtel est dans son état normal). Ils ont un sens de l'entraide incroyable. Donnez à un Gabonais, il vous le rend multiplié par dix. Etre généreux tout en restant ferme. Je comprends que je dois jouer sur ces nuances durant ma mission. Heureusement, les opérateurs formés à Paris sont déjà acquis à ma cause.
"Le vol Paris-Libreville départ initialement prévu à 10h45 aura 15 minutes de retard en raison d’un incident technique : panne d’un calculateur de bord. Veuillez vous asseoir. Conformément à la réglementation internationale, nous allons procéder à la désinsectisation des cabines.". Petits évènements anodins qui me rappellent que j’ai presque un pied en Afrique.
11h00, l’avion serpente sur les taxiways de Roissy Charles de Gaule avant de s’immobiliser sur la piste. Réacteurs à pleine puissance, je décolle pour le Gabon avec beaucoup d’espoir et une certaine nostalgie. Voilà dix ans que je n’ai pas pris l’avion depuis un voyage à Naples avec mes parents. 12h30, j’ai déjà dépassé Valence et nous entamons la traversée de la Méditerranée. 14h00, je survole le Sahel. Les routes sont gravées dans le sol couleur ocre. 15h00 nous apercevons le sable blanc du Sahara. 16h00, des vapeurs entourent l’avion, nous approchons des tropiques.
Arrivé à Libreville, dépressurisation de la cabine et ouverture des portes, l’air est soudain chaud et humide. Je me sens comme enveloppé. Des Gabonais me font des signes de main, mais dans la pénombre, je ne distingue pas leur visage. Je ne les connais pas. J’aperçois alors mes collègues, chemise ouverte, lunettes de soleil et queue de cheval. Une scène un peu hollywoodienne.
Entretemps, la douane a quand même saisi mon matériel technique.